FAIR(E) et documenter les "méthodes guérilla" - écritures des processus d'une recherche-création

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created: 2024-01-18

updated: 10:10:45 - February 9, 2024

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FAIR(E) et documenter les "méthodes guérilla" - écritures des processus d'une recherche-création

Page in progress | Seminaire Elico | 26 janvier 2024

Laurence Allard |

Marie-Julie Catoir Brisson |

Nicolas Sauret

Méthodes Guérilla - GER Recherche-création SFSIC

Cette page présente les textes d’intervention au séminaire Elico du 26 janvier 2024 où nous avons présenté les méthodes guérilla et ses principes de documentation, par Laurence Allard, Marie-Julie Catoir Brisson et Nicolas Sauret.

Cette intervention fait suite aux ateliers Recherche-Création [compléter] et à la journée de restitution [complétez].

Index :

Sommaire de l’intervention

  1. Introduire par Marie-Julie
  2. Documenter par Laurence
  3. Performer par Nicolas

Protocole d’écriture

Quelques principes que l’on peut se donner pour préparer ce document:

  • rien n’est figé ! vous formulez/nommez/structurez comme vous l’entendez.
  • une autre page jouera le rôle de :
    1. support de présentation
    2. support de démonstration
    3. support de documentation → prise de notes pendant le séminaire
  • la page est structurée en sections de différents niveaux. Les blocs encadrés sont des sections de niveau 2. N’hésitez pas à les utiliser en tant qu’unité de sens (1 bloc → 1 idée).
    ## titre de section en début de ligne pour créer une nouvelle section.
  • je propose de ne pas trop en mettre : quelques éléments non rédigés, visuels, …
  • mise en forme : si vous avez des suggestions, je peux tenter de les réaliser

Introduire, par Marie-Julie

Enjeux croisés Mamdans / GER recherche-création :

  • documenter un processus de co-construction d’un collectif de chercheurs en train de se faire,
  • rendre visible le travail de fabrication, avec la possibilité de commenter, d’ajouter et de documenter les différents palimpsestes de la co-création

Une tentative de réponse à l’invitation de Louize Merzeau en 2013 pour “écrire ses propres traces avec tout ce que cela implique de partage, de mémoire et de jeu” > intelligence des traces d’un collectif en construction
Comment impliquer les publics dans la recherche, comme les personnes âgées qui n’ont pas pu être toujours associées au processus de la recherche. Se pose une problématique de l’éthique réflexive.

Focus sur une expérience de documentation-création liée au GER recherche-création de la SFSIC en 2023, en jouant sur les significations du terme FAIRE

  • FAIR(E) - processus et documentation en recherche-création
  • FAIR(E) - documentation du processus en recherche-création
  • FAIR(E) et documenter - écriture des processus de recherche-création

Documenter, par Laurence

Dans le cadre du GER “Recherche-création” de la SFSIC co-fondée avec un collectif de collègues auto-proclamé.es “sémiogonautes”, Pauline Escande-Gauquié, Gustavo Gomez-Mejia et Etienne Candel, s’est tenu les 2 et 3 janvier 2023, un atelier “Méthodes Guérilla” où s’est posé la question de leur documentation. Nous nous sommes attachés pour cet atelier au potentiel subversif de la recherche-création par méthode guérilla et ce à différents moments de la recherche (collecte, transformation, restitution, évaluation).
En tant que méthodologies situées s’inscrivant dans les épistémologies du positionnement, les “méthodes guérilla” se caractérisent par leur singularité et de par leur documentation tendent vers le commun.

Se pose ainsi la problématique de la mise en œuvre de la réplicabilité -plus que la reproductibilité standardisée.

Cette problématique de la recherche-création par méthode guérilla a été portée au sein de cet atelier ouvert à toustes les chercheures et praticiens participant.es. Par exemple, Mélanie Lecha, doctorante à Polytech Haut France et Université de Mons, se demandait comment enquêter en tant que Gilet jaune, avec d’autres Gilets jaunes, sur les gazettes produites et distribuées par des Gilets jaunes pendant la mobilisation ?

Quatre temps de la recherche-création par méthode guérilla ont été explorés :

  1. Cueillette/récolte → (enquête, analyse corpus, étude de cas, terrains d’expérimentation…) > co-construction des outils de collecte avec les enquêtés vs position de surplomb
  2. Transformation → auctorialité collective
  3. Restitution → comment ? pour et avec qui ? supposant des formalisation(s) vs formatages
  4. Evaluation/légitimation : impact social vs impact factor (ouvrant à imaginaire des institutions, design des instances)

– FAIR(E)

Durant cet atelier des traces textuelles et visuelles ont été inscrites sur un support d’écriture collective documentant le processus d’une recherche recréant ces principes méthodologiques de la réplicabilité en s’inspirant des principes de la recherche en open source dit FAIR que nous nous sommes réappropriés comme FAIR[E] (d’autant plus que l’atelier se déroulant sur deux journées avec des publics renouvelés : la documentation a créé une mémoire vivante de l’atelier)

Fabriquer

Accueillant

Interopérable

Réusable

Émancipateur

On peut retrouver ces traces multimodes Pad de documentation médiatique par ici



– Résistance

La recherche-création placée sous le signe des méthodes guérilla a supposé de fortifier une maker literacy et le genre “documentation de projets”. Ce dernier peut être défini par comme :

“la fixation, dans le sens « collecte avec indexation », d’informations et de processus stockés menant à une réalisation reproductible et diffusable.”

Comme le précise Xavier Coadic :

“une interprétation de la documentation en qualité d’objet à concevoir pourrait postuler d’inclure et de structurer celle-ci autour de quatre fonctions différentes : tutoriels, guides pratiques, explications et références techniques. Chacun d’entre eux nécessite un mode d’écriture distinct.

« De l’hypothèse de la documentation comme technique de résistance et du wiki comme objet de ces résistances ». 2019. Sens public. http://sens-public.org/articles/1375/

Ainsi, le fablab de Sorbonne Université invite ses utilisateurs à documenter leurs projets en suivant cet argumentaire :

“Qu’est ce que la documentation ?
C’est un document représentant un projet de fabrication et pouvant permettre à autrui de reproduire le projet.
En général, ce document est constitué de manière chronologique avec les différentes étapes du projet.
Il est souvent illustré par des images, des vidéos ou encore des schémas expliquant la procédure et le résultat obtenu.
La liste des matériaux, des outils, des paramètres machine, ainsi que les fichiers de conception ou autres liens, tout ce qui est utile à la reproduction du projet doit y être indiqué.
Ce qui est important également, c’est la dimension narrative. La documentation c’est aussi un journal de bord, il faut y noter les commentaires sur les tentatives, les explorations de différentes pistes, et toute autre réflexion sur le sujet.”

Pourquoi documenter ?



Par la documentation d’un projet proposant une mise à disposition des ressources plurielles et dans le cadre d’une recherche à code ouvert -de par la réplicabilité ainsi aménagée se réalise un commun numérique posant des problématiques de gouvernance propre à l’économie des communs telle que délimitée par Elinor Oström.

Un commun numérique se trouve emblématiquement représenté par l’encyclopédie contributive Wikipédia, composé :

“d’une ressource : plus de 30 millions d’articles dans plus de 280 langues ; d’une communauté socialement variée qui partage la ressource et en prend soin ; des droits (accès, ajout, modification, etc.) et des obligations (15 statuts de contribut⋅rices⋅eurs différents) ; un système de gouvernance non hiérarchique et auto-organisé (consensus passif s’il n’y a pas de débat, consensus actif en utilisant les pages de discussion et le comité d’arbitrage en cas de conflit).”

« De l’hypothèse de la documentation comme technique de résistance et du wiki comme objet de ces résistances ». 2019. Sens public. http://sens-public.org/articles/1375/

Cette centralité de la gouvernance au travers de la documentation s’observe notamment dans la place donnée à cette activité dans la vie des tiers lieux et fablabs comme ici le wiki en langue française, “Movilab” (cf La documentation : état des lieux

Un lieu histoire de la maker culture, le Noisebrigde de San Francisco, a joué un rôle important dans la mise en valeur de la documentation dans l’affirmation de cette culture et ses modes d’organisation. Sur le wiki du makerspace “Noisebridge” on peut ainsi lire :

“un espace physique ouvert et accueillant pour tous, offrant une infrastructure et des possibilités de collaboration pour tous ceux qui s’intéressent à la programmation, au matériel, à l’artisanat, aux sciences, à la robotique, aux arts et à la technologie. Nous enseignons, nous apprenons, nous partageons. En l’absence de dirigeants, nous avons généralement promu une seule règle prépondérante : « Soyez excellents les uns envers les autres ».

« De l’hypothèse de la documentation comme technique de résistance et du wiki comme objet de ces résistances ». 2019. Sens public. http://sens-public.org/articles/1375/

Et de fait, ce « soyez excellents les uns envers les autres » a été entendu durant ces jours d’atelier “méthode guérilla démontrant que la documentation d’un projet peut donner lieu à des réappropriations créatives telle que l’écriture d’un manifeste par l’une des observatrices de l’atelier :

– « Méthodes guérilla », manifeste par Camille

La méthode, toujours en encore.

Découvrez les Méthodes Guérilla pour vous émanciper d’un cadre structurant omniprésent.

La recherche est ouverte, les protocoles sont répliquables, réutilisables, le plus important est de s’adapter.

Faites autrement, en vous promenant et en cueillant : des objets, des sujets, des documents, il faut tout recycler, tout répliquer, indéfiniment.

Hackez les processus, et surtout mettez en relief le potentiel subversif de vos objets, inspirez-vous de tout ce que vous voyez.

Utilisez et réutilisez, en détournant. C’est ça, n’oubliez jamais de détourner les outils, produisez de l’hétérogénéité grâce à des collectifs hybrides.

Créez du lien, des liens, pour permettre que vos recherches se poursuivent ailleurs, dans d’autres espaces.

Bricolez, braconnez, toujours en encore. Pensez par la forme et soudain, bifurquez.

Voilà, bifurquez !

Prenez des risques, mettez-vous en danger pour créer et produire de la connaissance,
Et oublier enfin que vous êtes sans cesse évalué.

– par Camille Brachet

Performer, par Nicolas

Performer, c’est d’abord habiter, travailler un espace. Les espaces de documentation sont des espaces d’écriture·s : la documentation passe en effet par une inscription qui est la condition du transfert, du partage et de la mise en commun.

Mais écrire ne suffit pas, il faut éditer puis publier : agencer, organiser, rendre public. Ces actes ne sont pas anodins politiquement, actes de résistance comme le disent Nicolas, Sébastien, Xavier, Émilie dans cet article sur Sens public, actes de soin aussi dans le sens : « prendre soin de la chaîne de production de l’écrit » comme on a pu l’écrire ailleurs.

Résistance et soin, d’autant plus lorsque ces gestes sont collectifs, car ils supposent alors de s’organiser c’est-à-dire : négocier ensemble les règles de fonctionnement : revoilà le principe de la gouvernance au coeur de la dynamique des communs.

– Pink my pad

Quel·s espace·s pour accueillir cette démarche ? Quelles modalités techniques et politiques d’écriture pour rester en cohérence avec notre démarche ?

Nous avons opté pour des espaces ouverts et lowtech comme ceux que l’on performe actuellement :

  1. d’un côté des pads pour une écriture ouverte à tous, à travers l’outil Hedgedoc.org,
  2. d’un autre côté des pages HTML statique, miroir éditorialisé de ces écritures, à travers l’outil Pink my pad, qui comme son nom l’indique transpose, colore, agence ou réagence les écrits collectifs du pad.

Ces outils n’inventent rien, ils reprennent les formats et les pratiques qui se développent dans certaines communautés de savoir. Ils sont en fait relativement basiques, ce qui leur ouvre deux mérites:

  1. leur simplicité technique qui est une main tendue pour tirer vers le haut la littératie numérique des nouveaux venus. C’est ce qu’on pourrait appeler un pied à l’étrier pour retrouver ce que Louise Merzeau appelait « la maîtrise de la déprise »,
  2. [2ème mérite en corrolaire :] la possibilité du hack, propre à la culture du web dans laquelle s’est notamment ancrée la culture des makerspaces. Le hack est une résistance, une écriture alternative, il est une réappropriation situationniste de l’espace numérique.

Autre caractéristique fondamentale de ce type d’outil, c’est l’ouverture qu’ils performent, essentielles au commun.

– Ouvertures

Cette ouverture se manifeste à différents niveaux :

  1. ouverture technique à travers des formats, des standards, des dispositifs ouverts → on revient au hack et à la littératie numérique
  2. ouverture éditoriale → qui consiste à ouvrir nos écrits, à les rendre accessibles, c’est un premier pas, mais surtout à les rendre appropriables, c’est à dire ouverts à l’édition, à la réécriture, à l’échange
  3. ouverture politique qui se joue dans la gouvernance de nos protocoles de recherche, et plus spécifiquement ici dans les méthodes guerilla, de nos protocoles d’écriture et de publication.

– Protocoles

Agencer l’espace, mais aussi agencer les individus qui l’occupent, ou plus exactement, ouvrir et partager la gouvernance du commun.

Dans l’édition scientifique, le protocole éditorial assure la scientificité et la légimité d’un texte. Dans la recherche, le protocole lorsqu’il est partagé permet la critique, la réplicabilité, l’amélioration.

Il est en quelque sorte une méta-écriture de la recherche, c’est-à-dire une infrastructure des écrits collectifs à venir.

Protocole conversationnel

C’est en cela que l’on peut parler d’écriture performative, dans le sens où l’organisation, la gouvernance que l’on s’est donnée collégialement agence notre espace et modèle en quelque sorte les produits de nos actions.

Cela veut dire ouvrir la méthode, ouvrir les processus de décision, et les rendre chacun transparents, négociables, collégiaux, évolutifs. C’est là sans doute qu’on l’on tente, que l’on expérimente une recherche alternative, que l’on peut appeler recherche-création, ou recherche-action selon les terrains.

Ainsi, la documentation confère au collectif sa propre réflexivité. Mais de manière récursive, l’écriture collective du protocole de recherche ou du protocole de documentation permet lui sa réfléxivité épistémologique.

Dernier point pour reboucler sur la question des communs :
peut-être que la finalité de ces méthodes guerillas et de ces écritures collectives, ce n’est pas la ressource partagée et collégialement produite ou administrée, la finalité est sans doute le collectif lui-même, qui advient à travers ces processus ouverts.

Pour une gittérature

Quelques références