L'important, c'est de participer. Ce que la culture participative fait aux Lumières (et inversement)

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created: 2025-11-10

updated: 14:30:05 - October 10, 2025

L'important, c'est de participer. Ce que la culture participative fait aux Lumières (et inversement)

Présentation

La culture numérique s’est caractérisée, à compter des années 2000, par l’essor d’une culture dite “participative”, notamment initiée par le développement d’interfaces offrant des espaces d’écriture, de réponse, de participation et de collaboration : ce qu’on appelle parfois le Web2.0 ou Web social.

Les interfaces “participatives” se sont vite emparées, voire spécialisées dans la production, la #transmission ainsi que la #légitimation des #connaissances et du patrimoine culturel via des interfaces dédiées. Les résultats sont plus ou moins heureux : une enluminure du XIVe siècle qui s’anime grâce au format GIF, un poilu qui nous raconte la guerre 14-18 via son profil Facebook, une application qui permet de générer des bandes dessinées en puisant dans les fonds iconographiques de la BNF, des chantiers de transcription collaborative ouverts à tous afin de valoriser les brouillons, les notes, les cours et les conférences d’écrivain.e.s ou d’intellectuel.le.s majeur.e.s dont aucun éditeur n’a voulu…

Le web regorge ainsi de ressources patrimoniales et scientifiques placées sous le signe de l’interactivité, de la créativité, du collectif, voire du jeu et du détournement.

Nous n’aurons pas été épargnés par ce #paradigme participatif qui a changé fondamentalement notre manière de faire de la recherche, mais également d’enseigner la recherche et ses résultats. Un paradigme qui, pourtant, semble aujourd’hui menacé par une confiscation de plus en plus visible des données #patrimoniales et scientifiques, dont Marie Carlin, dans son intervention, a témoigné : si #Gallica “tombe” aujourd’hui tous les deux jours, c’est d’abord parce qu’elle est attaquée en raison même de l’ouverture qui a été son modèle.

Cette table ronde a donc vocation à comprendre ce que la culture de la participation a fait aux Lumières et à leur enseignement, mais également ce que les Lumières peuvent enseigner à un idéal de participation discuté et menacé.

Notre approche est orientée : nous allons proposer une association entre culture participative et culture “populaire” – ou plus exactement d’une culture de masse, voire d’une middlebrow culture. On repartira d’une petite collection d’objets issus de la cultulre populaire numérique, que l’on va tenter de conceptualiser, afin de recueillir vos réactions.

Cette table ronde est… participative (normalement) ! Rejoignez-nous sur le pad, et·ou annotez librement les contenus via hypothesis : https://pinkmypad.net/libreon/z_m0H3rrS0mgrNZeOyZtxg

Objet: Gallica

Comment le “paradigme de l’accès” a-t-il transformé votre ethos de chercheur·se ?

Un chercheur à cette table (on ne dénoncera personne) m’a confié il y a peu de temps qu’au lancement de #Gallica, outil “trop beau pour être vrai”, il avait passé des heures à télécharger des centaines d’ouvrages disponibles, afin de les gravers sur CD-ROM. Cette anecdote illustre la première époque de la #patrimonialisation numérique, caractérisée par ce que l’on a qualifié de “paradigme de l’#accès”. Notre première question portera sur ce que cette accessibilité, qui constitue un précédent nécessaire à la culture de la participation, a changé à votre posture de chercheur, mais également d’enseignant.

Notes

Le début de Gallica : tellement extraordinaire qu’on en a téléchargé le contenu pour le graver sur CD-ROM.

Gallica nous rappelle que la culture matérielle est la culture de l’hyperlien : on accède aux contenus. Or les moteurs de recherche, qui donnaient des liens, tendent aujourd’hui à donner des réponses.

L’autorité universitaire : avoir accès à des textes auxquels les étudiant·e·s n’ont pas accès. La culture du lien, c’est une égalité d’accès.

… mais qui accède à Gallica ? Les étudiant·e·s ne le connaissent pas toujours, pas plus qu’iels ne se rendent à la bibliothèque. En revanche, les gens qui consultent Gallica ne sont pas toustes universitaires.

Les belles images de Gallica rendent aux textes leur matérialité.

La galaxie Gallica : mille façons de participer à la construction de la recherche. C’est aussi ouvrir des corpus anciens à des publics nouveaux.

Objet : L’Oreille tendue

Quel “participant·e” êtes-vous ?

Dans les discussions d’hier, une remarque a été proposée en réaction à un texte de Benoît Melançon : si nous ne sommes pas les premiers lecteurs des Lumières, notre culture numérique et son outillage ont fait de nous des lecteurs “différents”. Je voudrais proposer ue hypothèse : cette différence se manifeste d’abord à travers une tendance à la participation, pour incarner ce que Flichy a qualifié de “#lectactant”. Cette mutation n’est pas sans conséquences. Pour la chercheuse Marta Severo par exemple, dans notre culture numérique contemporaine, la légitimité d’un contenu culturel numérique passe nécessairement par le potentiel de participation qu’il offre au public : c’est ce qu’elle appelle l’“#impératif #participatif”. Si cet #impératif #participatif a renversé la dynamique propre aux processus de #patrimonialisation, Marta Severo démontre cependant que la participation n’est pas l’apanage de la culture numérique. Elle établit ainsi une généalogie de la #participation jusqu’au XVIIe siècle, à travers des figures telles que le #collectionneur, l’#amateur, ou le #curieux, soit des figures très codifiées qui, au fil des siècles, sont passées “de précepteur(s) de bon goût à producteur(s) de connaissances en ligne”. Quel lecteur, quelle lectrices et donc participant.e êtes-vous ? Comment formez-vous des lecteur.rices ou participants ?

Notes

Marta Severo : impératif participatif. Gage de légitimation pour toute industrie culturelle : ouvrir à la participation, et la participation nous donne de la légitimation. Généalogie jusqu’au XVIIe siècle, le collectionneur, le curieux… (et surtout le Mercure galant ! ;-)

Il y a des travaux d’étudiant·e·s à faire, il y a aussi, par exemple, l’édition des Lettres persanes sur Wikisource lors de “L’éditathon” en 2021. L’appel à contribution légitime le geste collaboratif.

Enseigner la participation ? Enseigner les compétences techniques pour le faire ? Litéracie numérique.

Pour que la participation donne lieu à un progrès du savoir, encore faut-il un cadre extrêmement poussé (par exemple : la charte Wikipédia).

Objet: une “Discussion” animée sur la notice Voltaire de Wikipédia

Dura participationis lex, sed lex ?

Si l’on peut reconnaître un trait à notre culture numérique, c’est bien un phénomène d’#horizontalisation de l’#autorité, qui secoue les structures hiérarchiques traditionnelles. Cette #horizontalisation ne se traduit pourtant pas, comme on l’entend parfois, par une organisation anarchique. Au contraire, des règles de la participation se mettent en place, parfois avec beaucoup de rigueur – comme sur l’Encyclopédie #Wikipédia (dont voici l’extrait d’une discussion animée autour d’une modification de la page Voltaire) –, parfois avec des règles étrangères aux codes académiques (les CGU des plateformes n’étant pas toujours en phase avec nous). En tant qu’universitaire, nous sommes quoiqu’on en dise du côté de l’institution : les projets de #médiation scientifique en cours dans votre domaine ont-ils plutôt cherché à résister ou à embrasser/mimer ce mouvement culturel ? Avez-vous par ailleurs déjà pu entrer en conflit avec les règles de la #participation numérique, sur un #réseau ou sur une #plateforme collaborative comme #Wikipédia ?

Notes

Difficulté à participer et à intervenir sur Wikipédia.

Problème de l’évaluation et de l’intervention.

La participation, c’est aussi corriger des coquilles, des fautes d’orthographe, etc.

Dispositif en train de se referme ? Est-ce que la culture du réseau social infiltre la culture collaborative du web ?

C’est la communauté qui fonctionne comme instance de légitimation => est-ce pour cela que la communauté Wikipédia paraît parfois si stricte ?

Objet: un GIF de GITitUP!

L’éditorialisation : altercation ou altération ?

Enrico me disait ce matin : tout le monde parle depuis hier d’#éditorialisation, mais au fond l’éditorialisation, c’est quoi ? Comme personne n’est tout à fait d’accord, je vous en proposerai ma définition, publiée dans la somme Les patrimoines numérisés du réseau UDPN [#autopromotion]. “Fondamentalement, l’#éditorialisation renvoie à la capacité des usagers à détourner, par leurs pratiques médiatiques, les usages institués par les media numériques (outils, plateformes, etc.). Éditorialiser signifie ainsi produire les conditions pour que l’usager puisse #détourner les contenus diffusés, dans le but de favoriser la création de nouveaux contenus. C’est là sans doute la principale distinction entre édition (y compris édition numérique) – qui se concentre sur des fonctions de production puis de diffusion de contenus – et éditorialisation – où se met en place une relation dynamique entre ces fonctions de production et de circulation.” L’objet ci-contre est un GIF, produit dans le cadre du concours GIFitUP lancé par Eurepeana chaque année. Elle incarne la #politique d’éditorialisation portée des institutions culturelles pour valoriser leur propre patrimoine, mais également un phénomène de #patrimonialisation qui se fait de plus en plus collectif, ouvert au “grand public”. Elle illustre aussi la tension permanente qui se joue entre “#maîtrise” et “#déprise” des contenus que nous publions en lignes, contenus scientifiques, patrimoniaux. Quelles sont vos stratégies de “#maîtrise de la #déprise” (Merzeau) ?

Notes

Objet : ChatBot Diderot

De la participation à la personnalisation : l’emmerdification du collectif ?

Ces dernières années, des voix se sont élevées pour annoncer la fin de la culture participative. La #plateformisation, c’est-à-dire le développement d’outils d’édition supposés faciliter la #participation en ligne, a en effet provoqué un phénomène de #réintermédiation de la production des contenus culturels, et en particulier des savoirs. Cette #réintermédiation est portée par les grandes industries numériques (notamment les #GAFAM, mais pas seulement), accusées parfois à juste titre de confisquer ou de corrompre la participation. Flora, dans son introduction, a posé très justement la question : Voltaire aurait-il vraiment adoré Twitter ? L’adorerait-il encore aujourd’hui ? Notre époque, celle des IAG, est marquée par le triomphe de la “personnalisation”, des contenus “personnalisés” (sans doute, d’ailleurs, une illusion de la personnalisation). Dans une conversation avec ChatBot Diderot sur Character.AI, je lui ai posé la question que je voulais vous adresser : que pensez-vous de la fin de la culture de la participation ?

Notes

ChatBOT : mode passagère ? Peut-être, mais très largement utilisé, partout, tout le temps, dans tous les domaines.

Le ChatBOT est une interface.

Que fait-on quand on alimente ces chat ? On en devient les femmes et hommes sandwichs.